A l’antique. Numa Charles de Nonjon est ainsi représenté par le portraitiste Candide Blaize (1794-1849) comme le furent, jadis, les empereurs romains, drapés dans leur toute puissance et leur orgueil ; mais encore, plus récemment, l’empereur Napoléon dont les artistes ont figé les traits dans le marbre ou sur la toile.
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A l’antique et à l’impériale, l’essence même de ce dessin a de quoi surprendre si l’on considère son année d’exécution, 1826, pas loin de vingt ans après l’instauration du Premier Empire, pas loin de dix années après sa chute. L’allusion à un régime qui n’est plus depuis presque une décennie, certes majeur dans l’histoire de France, certes riche en tous domaines, politique et juridique d’abord, social et artistique ensuite ; cette évocation signifie-t-elle que le commanditaire de ce portrait a appartenu à une famille éminemment attachée à l’Empire, ayant bénéficié, à l’instar de beaucoup d’autres, des faveurs et largesses de l’empereur, d’un majorat, d’un titre, d’une fonction ?
D’aucuns seraient également étonnés de constater que la jeunesse du sujet, qui paraît avoir une petite trentaine d’années, s’accommode mal avec les dates d’existence du Premier Empire (1804-1814/1815). Il est impensable que le jeune Numa Charles de Nonjon ait pu occuper une quelconque fonction au cours de ce régime. Il est toutefois possible que sa famille ait été promue, titrée par l’empereur. Les informations en ce qui concerne cette famille, restée obscure dans l’historiographie, ne permettent toutefois pas de confirmer cette hypothèse. Nous savons seulement que Numa Charles de Nonjon est le petit-fils d’un « ingénieur-géographe du roi », que sa famille « est originaire d’Armentières, où Nicolas Charles était en 1629 lieutenant du bailli ; qu’elle vint dans la suite se fixer à Aire-sur-la-Lys, en Artois. » (Gustave Chaix d’Est-Ange, Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXème siècle, volume 10, p.26-27). Par leur mère, Numa Charles de Nonjon et son épouse, sa cousine germaine, Eléonore Crépin du Havelt, sont les petits-enfants de Guillaume, baron Liborel (1739-1829), qui fut président de la section civile de la Cour de Cassation durant l’Empire mais n’afficha jamais un réel attachement au régime impérial. S’il fut anobli et titré baron, il le fut en 1818 par Louis XVIII qui souhaitait lui témoigner sa reconnaissance pour son soutien lors des Cent-Jours.
Nonobstant la posture du sujet, empreinte de dignité, de néoclassicisme et d’une certaine noblesse, le jeune client de Candide Blaize ne semble pas avoir les épaules assez larges pour revêtir le majestueux manteau au col de fourrure d’hermine, ni les moyens de son ambition, quand bien même cette ambition aurait existé. A ce jeune homme timide et perdu dans ses pensées, dont la physionomie ne dévoile aucun sentiment particulier, il manque le panache, la fougue, celle de la jeunesse romantique, l’entrain, la vivacité, la vigueur. Les références à l’antiquité, à l’Empire, se heurtent au romantisme de la mine rêveuse, songeuse, des cheveux désordonnés, ébouriffés, offrant à ce portrait une ambigüité, une double lecture, un sentiment d’incongruité que Candide Blaize n’a pas cherché à dissiper. Au moyen de la couleur blanche du manteau, particulièrement visible, et dominante, qui donnerait l’impression que le portrait n’est pas achevé, Candide Blaize a-t-il souhaité exprimer la perception qu’il avait de la quête personnelle et intime de ce jeune homme qui, d’une certaine manière, n’était pas encore formé, ne savait pas ce qu’il était lui-même ni ce à quoi il aspirait, la perception enfin que cette quête serait vaine si elle n’était dirigée, orientée ? L’histoire, semble-t-il, n’a pas contredit l’artiste. Numa Charles de Nonjon l’a traversée en toute discrétion, sans la marquer d’aucune façon. Il reste un inconnu. Un illustre inconnu, il est vrai, grâce au portrait de Candide Blaize qui demeure et demeurera l’unique vestige de son existence.
Rodolphe de Saint Germain
[Louis Joseph Numa Charles de Nonjon.
Aquarelle et graphite sur papier, légère estompe brune, rehauts de blanc.
Signé en bas à gauche : « C. Blaize, 1826 ».
: 14 cm – L. : 10,5 cm
Historique de conservation et de transmission :
– Collection de Georges Augustin Marie (ou Augustin Marie Georges), baron du Teil du Havelt, fils de Pierre Alexandre James, baron du Teil, et de Joséphine Maria Charles de Nonjon, décédée à Paris 7ème le 10 février 1894, fille de Louis Joseph Numa Charles de Nonjon et de Victoire Floride Eléonore Crépin du Havelt (depuis une date inconnue jusqu’en 1934).
– Collection du musée des Ursulines à Macon (Saône-et-Loire) (depuis 1934, à la suite d’un legs ou d’une acquisition). Numéros d’inventaire : A.838.2 ; 21346 (réinventaire).]